À en croire le président de la République, « émerge dans notre société » un sujet, le « communautarisme », qui « ne doit pas être un marqueur mais un pan assumé de notre action »[1]. S’agirait-il de s’attaquer au « communautarisme régionaliste », pour remettre en cause l’une des laïcités françaises, celle « concordataire » (v. ma thèse, pp. 349 et 449) ? Il n’en est rien : pour Emmanuel Macron, si le « problème en France, ce n’est pas la laïcité, ce sont les communautarismes » (« ce ne sont pas les religions, c’est le communautarisme »), celui « le plus visible est (…) lié à l’islam »[2]. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman » (v. ci-contre) ? Certaines en mobilisant « la laïcité », notamment, mais cela a fini par se voir un peu ; Emmanuel Macron réussit cette fois à le faire en prétendant ne pas parler de la laïcité.
L’essentiel est le retour aux fondamentaux[3], non pas les droits mais « l’islam » qui, selon une professeure de droit, « revendique une « resignalisation » religieuse de l’enseignement »[4]. Si l’islam est envisagé comme une personne (morale ?), ne devient-il pas difficile de séparer la critique de cette religion de celle des personnes qui s’y reconnaissent ? Un tel glissement est-il vraiment exceptionnel et, surtout, ne se combine-t-il pas souvent avec la référence au « communautarisme », ce mot qui sert si fréquemment à parler de l’islam sans directement en parler ?
Trouvant « le temps » de commenter une affiche de la FCPE, ayant selon lui le tort de lier « laïcité » et accueil « à l’école tous les parents », le ministre Jean-Michel Blanquer l’accuse ainsi de « flatter le communautarisme »[5]. Suggérant une répartition des rôles entre « le chef de l’État » et ce « bon élève de la Macronie » – une hypothèse sérieuse, à mon avis –, un observateur anonyme y voit un positionnement strict « sur la laïcité »[6]. C’est là reprendre une idée discutable, mais tellement rebattue ; la plupart des usages reviennent surtout à se montrer « intransigeants vis-à-vis de l’Islam »[7].
Réagir à cette nouvelle sortie (scolaire ?), c’est prendre le risque de sauter à son tour « à pieds joints dans la polémique » (Frantz Durupt, liberation.fr 24 sept. 2019). Ayant signalé ce que j’en pensais dans l’un de mes premiers billets (26 janv. 2018, aujourd’hui actualisé), j’éviterai donc de faire le lien avec la précédente, provoquée par un philosophe de gauche, répétant alors lui aussi cette position hostile – de fait – à certaines accompagnatrices ; je ne m’étonnerai pas non plus de l’avoir vu citer en exemple le principal avec qui cette histoire a commencé[8], ni ne remarquerai qu’Henri Peña-Ruiz s’est ensuite référé – au terme de cette même émission (RT France 2 sept. 2019) – au « très beau rapport » de Gilles Clavreul.
Le 15 mai 2018, je commençais par citer un commentaire d’un autre avis ; j’ai repris ce billet, auquel je renvoie in fine, en rapatriant ici quelques développements, essentiellement des références pour qui se questionne à propos de ce prétendu[9] « communautarisme » ; entre les efforts pour justifier le refus de parler d’islamophobie – par exemple – et les nombreuses mentions du « communautarisme »[10], le contraste est saisissant : là, philosophes et autres « « élites » administratives, politiques, médiatiques et scientifiques »[11] ne s’embarrassent plus d’un minimum de distinctions.
Cet emballement conduit logiquement à des résultats curieux : qu’une porteuse de foulard accompagne des élèves en « voyages scolaires » à Auschwitz, par exemple, en relèverait ; heureusement, cette position n’est pas partagée partout[12]. Et quand Nathalie Loiseau portait des jupes longues à l’école, non seulement personne ne le lui reprochait (v. bfmbusiness.bfmtv.com, pendant 30 secondes autour de la 15ème min.)[13], mais cela n’était pas considéré comme du « communautarisme ».
Il y a deux ans, le mot revenait ainsi deux fois chez le conseiller d’État Jean-Éric Schoettl[14] ; de 1997 à 2007, il a été secrétaire général du Conseil constitutionnel[15]. Alors même qu’il n’avait pas été saisi de la loi du 15 mars 2004 (v. ma page 439), ce dernier décidait le 19 novembre de faire « prévaloir le principe de laïcité sur la liberté de religion » ; « au sens où l’énonce la Convention européenne », poursuit Pierre-Henri Prélot, elle représente pour ses membres « le cheval de Troie du communautarisme »[16]. Selon Sylvie Tissot, c’est « en 2005, à l’issue d’une année dominée par la polémique sur le « voile à l’école », puis par celle sur l’« œuvre positive » de la tutelle coloniale, que le terme s’impose dans le débat public »[17].
Il y a près d’un an, Marwan Mohammed et Julien Talpin annonçaient la publication ci-contre, dans un texte intitulé « Communautarisme ? – Banalité de l’entre-soi et stigmatisation des minorités », AOC 19-20 sept. 2018 : « du fait de l’explosion de son usage ces dernières années il mérite d’être à la fois déconstruit et analysé » par des « travaux sociologiques – tels ceux de Patrick Simon, Bruno Cousin et Jules Naudet dans l’ouvrage ». Il est informé des sciences sociales s’intéressant aux « mouvements issus de groupes minorisés » ; elles enseignent qu’ils « visent d’abord l’égalité des droits et de traitements, davantage que la reconnaissance d’un quelconque particularisme ou des droits spécifiques »[18].
Le « communautarisme » est beaucoup plus souvent dénoncé qu’il n’est défini ; lorsqu’il l’est, sa mobilisation peut encore poser problème : professeur honoraire à l’Institut catholique de Paris, Bernard Hugonnier a ainsi pu proposer – en 2016, dans la revue de l’Association Française des Acteurs de l’Éducation (AEFE) – quelques éléments de définition (dont celle « récemment donnée dans un rapport au Ministre de l’intérieur »…) ; le lien tissé ensuite avec la loi de 2004 n’a rien d’évident, mais il se comprend à la lumière de l’affirmation qui suit – elle aussi discutable –, selon laquelle « l’expression dans la sphère publique de certaines [sic] appartenances à une religion (…) remet fortement en cause le principe de laïcité »[19].
Ayant réalisé une « généalogie » de ce mot, Fabrice Dhume écrit : « Fondé sur le bien-entendu majoritaire, et exploitant les préjugés racistes, sexistes, islamophobes, ce discours idéologique « parle » de lui-même (du point de vue majoritaire), sans nul besoin de définition, de faits ou de démonstration empirique » ; « Au fond, ce discours se moque des faits (…). Il permet, par un étonnant tour de passe-passe intellectuel, d’affirmer que le mot « ne renvoie à aucune institution ni aucun fait social précis […mais que] le terme recouvre et renvoie à des réalités » qui seraient menaçantes (Laurent Bouvet, Le communautarisme. Mythes et réalités, Lignes de repères, 2007, pp. 10-11) »[20].
« Sortir des faux débats », telle était l’intention affichée, en mars-avril 2007, de l’auteur cité ; présenté comme le « gladiateur de la laïcité » en 2018[21], Laurent Bouvet devrait faire l’objet d’une plainte « pour incitation à la haine contre les parents musulmans », selon une annonce cette semaine[22]. La précédente, il avait tenu – avec d’autres – à dénoncer une « propagande pro-burqini »[23]… En critiquant essentiellement l’idée « sous-entend[ue] que l’interdiction [soi]t la seule façon de défendre la liberté de conscience », Alain Policar ne conteste pas cette réduction des droits impliqués selon les laïcités[24], comme s’il n’était question de ladite liberté.
Ils sont avant tout ceux des femmes[25], les hommes étant – en France[26] – rarement visés par ces restrictions. Le Défenseur des droits a pu en citer un qui est rarement mentionné, le « droit de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects de la vie culturelle », tel que reconnu à l’article 13 c) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[27]. Pourtant, et comme à propos des plages[28] ou des cours de natation[29], d’aucuns répéteront : « La laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience » ; et ensuite ?
[1] Emmanuel Macron, cité par Valérie Hacot et Pauline Théveniaud, « Sur l’immigration, Macron chasse à droite », leparisien.fr 16 sept. 2019 ; le 10 décembre 2018, avant d’appeler à « affronter » la « question de l’immigration » – au nom de l’« identité profonde » de « la Nation », il avait évoqué « une laïcité bousculée » et « des modes de vie qui créent des barrières, de la distance ». V. l’analyse de Cécile Alduy, « La laïcité dans le « grand débat » : ou comment entendre les silences », AOC 4 févr. 2019 : « Alors que les « gilets jaunes » parlaient pouvoir d’achat, ISF, fins de mois difficiles et RIC, Emmanuel Macron (…) recadre les discussions d’en haut et substitue à la question sociale la question identitaire (immigration et place du religieux étant habilement placés l’un à la suite de l’autre dans la lettre du président et le questionnaire en ligne) » ; à partir d’enquêtes, la chercheuse en littérature affirme que « la « majorité silencieuse » n’est pas celle qu’avait en tête un Nicolas Sarkozy lorsqu’il affirmait que les Français attendent qu’on leur parle d’identité, de lutte contre le communautarisme et l’immigration ».
[2] Emmanuel Macron, « lundi [16 au] soir devant les parlementaires de la majorité réunis au ministère des Relations avec le Parlement » (« Profession de foi », Le Canard enchaîné le 18, p. 2, sous l’encadré intitulé « Immigration : le bourgeois Macron s’en prend aux bourgeois ! »).
[3] En même temps, ou presque, il « assume de parler calmement d’immigration » (europe1.fr 25 sept. 2019 ; il ne faudrait pas « antagoniser » la société, là aussi… Faite la veille sur RMC-BFMTV, la réponse de Jean-Michel Blanquer à Greta Thunberg vaut encore plus le détour : « La France est une locomotive contre le réchauffement climatique » ; « Elle roule au charbon ou au diesel ? », Le Canard enchaîné à la Une, lui remettant « La noix d’honneur »). Dans une tribune publiée le même jour (Le Monde, p. 30), François Héran suggère qu’il pourrait être plus important, pour « nos dirigeants [, de] tenir une parole de raison » sur cette question ; quelle idée saugrenue…
[4] Roseline Letteron, « Préface. La laïcité de tous les combats », ouvrant l’ouvrage – publié sous sa direction – La Laïcité dans la tourmente, SUP, 2019, p. 7, spéc. p. 12, résumant la contribution de Patrick Cabanel, « Le principe de laïcité à l’école », p. 167, spéc. pp. 183 et 185 (186) : mentionnant « l’islam » et « des revendications de « resignalisation » religieuse qui évoquent à l’historien des batailles passées », celui-ci écrit à propos de la loi de 2004 (« un bon texte ») qu’elle « vise en fait les voiles musulmans des jeunes filles, comme [sic] jadis elle visait les crucifix du catholicisme. Et ce n’est pas là de l’islamophobie, mais la pure tradition laïque, attentive à ce que l’espace de tous soit vidé de ce qui n’appartient qu’à quelques-uns [re-sic] » (je souligne ; contra Véronica Thiéry-Riboulot, « Cinq questions sur l’histoire du mot laïcité », p. 39, spéc. p. 49, ainsi que ma thèse, pp. 504 à 507, spécialement pour la citation du livre de Pierre Kahn).
[5] Faïza Zerouala, « Blanquer joue (encore) les apprentis sorciers avec la laïcité », Mediapart 24 sept. 2019, citant ensuite – l’affiche puis – le ministre de l’éducation nationale, qui a également affirmé : « Il faut avoir le sens de l’Histoire » : ce billet fournit des références pour qui voudrait retracer celle du mot « communautarisme » ; l’histoire est aussi riche d’enseignements par rapport aux ministres qui font semblant d’ignorer l’état du droit (v. par ex. mes pp. 415-416, 420, 459-460, 467-468 et 520). La journaliste rappelle les travaux préparatoires de « loi dite pour une école de la confiance », durant lesquels « un amendement LR, adopté au Sénat [v. le communiqué du groupe] puis retoqué en commission mixte paritaire, préconisait une interdiction de l’accompagnement des sorties scolaires par les mères voilées ». Le 25 septembre, alors que Valentine Zuber lui rappelle certains de ces éléments, Guillaume Erner oppose significativement ses « rêves nostalgiques »…
[6] Cité par Mattea Battaglia, laquelle s’en détache en s’interrogeant : « Plus strictement ? » ; certainement pas concernant la plupart des établissements d’enseignement privés, catholique·s. Après avoir évoqué des « logiques communautaristes », le ministre a pointé un risque de « dérives communautaires » lié… « au développement d’écoles hors contrat » (« Laïcité : Blanquer s’en prend à une fédération de parents d’élèves », Le Monde 26 sept. 2019, p. 14).
[7] Pascale Le Néouannic, Petit manuel de laïcité à usage citoyen, éd. Bruno Leprince, 2011, p. 41, tout en concédant à la même page qu’il n’y a pas qu’une seule « lecture du Coran » (c’est juste, mais contradictoire avec l’essentialisation de « l’Islam » qui précède) ; moyennant quelques réserves, il est possible de la rejoindre quand elle dénonce, dix pages plus loin, une « communautarisation de l’argent public » (p. 51). Pour son préfacier Henri Peña-Ruiz, la « République laïque et sociale (…) évite l’enfermement communautariste » (p. 7, spéc. p. 19).
[8] Ernest Chénière – en 1989 –, pour ne pas le nommer, dont la trajectoire politique peut être rappelée : élu député RPR en 1993, avec l’année suivante un désistement – infructueux – en sa faveur de l’extrême-droite, lors d’élections locales (v. Frédéric Normand, « L’étonnant retour d’Ernest Chenière », leparisien.fr 23 mai 2002) ; « trente ans jour pour jour » après qu’il a « dit non au voile à l’école » (… et exclu de cours trois élèves qui le portaient, sans aucune base légale), v. son entretien avec Laurent Valdiguié, « J’ai eu affaire à la première brèche dans la laïcité par un islamisme conquérant », marianne.net 13 sept. 2019 ; je renvoie à mes pp. 412 et s., spéc. 437 (et, plus loin, 604 et 1206) ; une Journée scientifique se tiendra le 4 octobre, à Amiens (Université de Picardie Jules Verne), autour de l’ouvrage d’Ismail Ferhat et alii, Les foulards de la discorde. Retours sur l’affaire de Creil, 1989 (l’Aube, 2019 : v. jean-jaures.org le 21 août).
[9] Il ne s’agit pas de nier qu’il puisse y avoir, ça et là, des revendications ou pratiques manifestant un repli sur sa « communauté », mais de souligner, avec le membre du groupe de travail « Laïcité » de la LDH, que « le danger du « communautarisme » vient surtout de l’ignorance de nos institutions chez celles et ceux qui le dénoncent » (Alain Bondeelle, « Pourquoi il ne faut pas modifier la loi de 1905 », Hommes & Libertés mars 2019, n° 185, p. 27, spéc. p. 28). Dans un communiqué du 25 septembre, l’association a « réaffirm[é] sa pleine solidarité avec la FCPE » (« Jean-Michel Blanquer : l’excommunicateur de parents d’élèves »).
[10] Assez rare est la situation où des guillemets de précaution accompagnent la mention du mot ; pour un exemple, Anne Rinnert (entretien avec, par Brigitte Esteve-Bellebeau et Mathieu Touzeil-Divina), « Le principe de laïcité est plus que jamais d’actualité », in laï-Cité(s) et discrimination(s). Les Cahiers de la LCD. Vol. 3, L’Harmattan, 2017, p. 127 ; Journal du Droit Administratif (JDA) 2017, n° 3, Art. 113, visant « les quartiers « communautaristes » ».
[11] Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », La Découverte, 2013, p. 103, avant de préciser employer « le terme d’« élites » au pluriel pour signifier qu’il ne s’agit pas d’un groupe social homogène et que, bien au contraire, il existe de multiples fractions divisées et concurrentes, évoluant dans des espaces sociaux différenciés ».
[12] V. le beau reportage d’Annie Kahn, publié dans Le Monde 30 mai 2018, p. 22, précisant à propos d’une des « mères d’élèves » accompagnatrices qu’elle est « voilée ».
[13] Elle déclare que les jupes longues n’ont « jamais été un signe religieux » ; comparer mes pp. 458 à 460
[14] « La laïcité en questions », Constitutions 2017, pp. 19 et s. Jean-Éric Schoettl ne répugne pas à signer des tribunes polémiques : entre autres, v. « Stage en non-mixité raciale : une simple polémique ? Non, un vrai scandale ! », Le FigaroVox.fr 20 déc. 2017 ; « Affaire Baby Loup : la Cour de cassation ne doit pas se plier au diktat de l’ONU », Le Figaro 14 sept. 2018, n° 23044, p. 18, en tant que membres du Cercle Droit et débat public, « présidé par Noëlle Lenoir (ancienne ministre et membre honoraire du Conseil constitutionnel) ». ll est l’un des sages de la laïcité… C’est également le cas de Laurent Bouvet, avec qui il partageait une tribune (d’hommes) lors de la table ronde « La laïcité à l’épreuve de l’Islam », à l’occasion d’une convention organisée le 27 juin 2018 par Force Républicaine (un mouvement confié par François Fillon à Bruno Retailleau, en novembre 2017). L’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel se réfère à la décision précitée pour définir juridiquement « la laïcité » ; dans une inversion remarquable, il fait part son « impression que nous avons que l’autre nous rejette », avant d’enchaîner des questions rhétoriques résumées comme suit : « En un mot, l’islam n’a-t-il pas un très ancien problème avec l’altérité ? »… (vidéo mise en ligne le 6 juillet ; je souligne).
[15] V. l’article – issu d’une communication prononcée à Paris I, le 9 juin 2006 – d’Alexandre Ciaudo, « Un acteur spécifique du procès constitutionnel : le secrétaire général du Conseil constitutionnel », RFDC 2008/1, n° 73, p. 17
[16] Pierre-Henri Prélot, « La loi de 1905. Hier et aujourd’hui », in Roseline Letteron, ouvr. préc., 2019, p. 53, spéc. p. 54, avant de préciser que « le Conseil constitutionnel semble avoir lui-même fini par se défaire » de « cette vision sacralisée de la laïcité ».
[17] Sylvie Tissot, « Qui a peur du communautarisme ? », La cassure. L’état du monde 2013, La Découverte, reproduit sur lmsi.net 23 mars 2016
[18] Éric Fassin affirmait dans le même sens : « En France, dès que les minorités se font entendre, on les taxe de communautarisme ; aux États-Unis, on se récrie : « politique identitaire ». Mais pourquoi l’égalité demandée par des minorités ne serait-elle pas universaliste ? (…) Ce ne sont pas les revendications des minorités qui fragmentent la société ; c’est leur relégation » (Le Monde 2 oct. 2018, p. 22 ; entretien croisé avec Mark Lilla, par Marc-Olivier Bherer).
[19] Bernard Hugonnier, « Les relations entre laïcité et communautarisme », Administration & Éducation 2016/3, n° 151, p. 83, spéc. pp. 84 et 85
[20] Fabrice Dhume, « Communautarisme, une catégorie mutante », La Vie des idées 25 sept. 2018, précisant avoir mobilisé les archives du journal Le Monde avant 1989 (lesquelles n’étaient pas disponibles – en version numérisées – au moment de l’écriture de son livre Communautarisme. Enquête sur une chimère du nationalisme français, Demopolis, 2016 ; dans ma thèse, je cite son article de 2010, en ligne) ; il situe cette année-là le début de la focalisation « sur l’islam, nouvelle cible du discours articulant l’essentialisation des « communautés » au thème de menace sur la civilisation » ; « Comme l’indique l’analyse de sa dynamique, la construction de ce discours découle d’une entreprise politique menée par des réseaux d’intellectuels (dont une bonne part s’est réunie aujourd’hui dans quelques officines prétendant avoir le monopole de représentation de la république, telles le Comité laïcité république, le Printemps républicain, etc.), utilisant l’arène médiatique, avant que ce mot ne soit repris comme justification (et insulte) politique ».
[21] Zineb Dryef, M Le Magazine du Monde 17 févr. 2018
[22] v. Mattea Battaglia et Samuel Laurent, « La FCPE va déposer une plainte contre Laurent Bouvet », Le Monde 26 sept. 2019, p. 14, citant Rodrigo Arenas, son coprésident.
[23] Laurent Bouvet et alii, « Piscine et « burqini » : va-t-on nous dire qu’il est raciste de défendre la liberté de conscience ? », Ibid. le 18, p. 32, en précisant entre parenthèses : « plutôt que « burkini », qui évoque l’innocent bikini au lieu de l’indigne burqa » ; comparer l’appel à faire évoluer les règlements intérieurs des piscines, défendant – au nom du Planning Familial 38 – « la liberté en maillot de bain couvrant, maillot de bain une pièce, bikini, short, jupette, topless » (« Nos corps dérangent ! Jetons-nous à l’eau ! », planning-familial.org le 11 juillet). Les piscines publiques, lieux pour s’adonner « au communautarisme et au repli identitaire », autrement dit au « repli communautaire » ? C’est l’avis de Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur (Réponse à la question d’actualité de Michel Savin (Isère – Les Républicains), JO Sénat le 10, p. 10922).
[24] Celle « des pétitionnaires » et la sienne n’étant manifestement pas les mêmes, cette dernière se présentant comme « instituée par la loi de 1905 [, en n’étant] ni d’émancipation ni de coopération, mais d’abstention » (Alain Policar, « En prétendant combattre l’obscurantisme, on fait de la laïcité une arme contre la religion », Ibid. le 21, p. 30).
[25] Présentant « l’assignation à un statut inférieur à celui des hommes » comme la « menace la plus grave qui menace les droits des femmes », Joël Andriantsimbazovina ne précise pas lesquels et se réfère en réalité implicitement au dernier sens du mot statut ; pour lui, justifier par des obligations de laïcité la « neutralisation de certaines manifestations extérieures de convictions religieuses », c’est « faire progresser les droits des femmes » (« Laïcité et droits des femmes. Quelques éléments de réflexion à partir du droit positif », in Roseline Letteron, ouvr. préc., 2019, p. 225, spéc. pp. 233, 235 et 240, en conclusion).
[26] À propos des « hommes d’un certain âge », v. le billet de blog « Le « bikini pékinois » menacé par les autorités chinoises », lemonde.fr 8-9 juill. 2019
[27] v. DDD, 12 déc. 2018, n° 2018-297, 18 p., p. 5, § 22, avant toutefois de retenir comme « cadre juridique [celui] des limitations à la liberté religieuse » (p. 8 ; mêmes pages ou presque le 27, n° 2018-301, 11 p. et n° 2018-303, 12 p.), puis de conclure à des « discriminations fondées sur la religion et le genre, au sens des articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme combinés avec son article 14 (…) » (p. 18).
[28] Ibid., p. 9, le DDD citant les ordonnances rendues par le Conseil d’État les 26 août (n° 402742) et 26 septembre 2016 (n° 403578), retenant « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle » (cons. 6 ; je souligne). Le DDD prend soin de développer « l’analyse de la compatibilité de ce vêtement avec les normes d’hygiène et de sécurité des piscines » (v. pp. 16-17, §§ 85 à 94). V. la « Mise au point sur les règlements intérieurs relatifs aux tenues de bain dans les piscines publiques », publiée par l’Observatoire de la laïcité le 3 juin 2019, et dans un autre registre le billet de Mérôme Jardin, « Non, Mme Ndiaye, le burkini ne pose pas de problème d’hygiène », le 2 juillet.
[29] V. l’arrêt Osmanoğlu et Kocabaş contre Suisse, mentionné Ibid., pp. 11-12, et présenté comme relatif à la « Liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9) » (chronique de « Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et droit administratif », RFDA 2018, pp. 697 et s. Je souligne à nouveau ; comparer mes pp. 1209-1210) ; alors que sa lecture pourrait bien provoquer une syncope chez certain·e·s militant·e·s de « la laïcité », Henri Labayle et Frédéric Sudre affirment qu’il serait propre à satisfaire « ceux que les développements du communautarisme religieux préoccupent »…
Ajout au 9 octobre 2019 (également opéré dans mon billet du 26 janvier 2018, relatif aux sorties scolaires) : Le Monde publie page 27 deux tribunes : alors que Véronique Decker, qui a été directrice d’école publique (à Bobigny), estime que « merci » est « la seule chose » que cette dernière peut dire aux bénévoles qui lui viennent en aide, Dominique Schnapper tient à exprimer un espoir, nonobstant « l’état actuel du droit » : « que le principe de neutralité qui régit l’école publique prévaudra sur les tentatives de dévoiement communautariste » ; l’ex-membre du Conseil constitutionnel (2001-2010) est actuellement présidente du Conseil des sages de la laïcité, depuis que Jean-Michel Blanquer l’a désignée (fin 2017)…